« Rester présent avec l’autre »

– Q. – Bonjour. Voici ma question : Comment est-ce que je maintiens un sentiment de présence quand je suis en compagnie d’une autre personne ? Comment est-ce que j’amène la présence dans la conversation ?

 

– E. – Merci. Pas facile !

 

Dès que vous commencez à parler, Le mental de l’un rencontre le mental de l’autre ; ils se renforcent mutuellement et un flot de pensées jaillit. L’instant d’avant, vous étiez présents et maintenant, quelqu’un se met à parler : « Oh, tu sais quoi ? . . . Tu sais ce qu’il a dit, ce qu’il a fait ? » « Oh, mon Dieu ! ». « Il fait tout le temps ça ! »

 

Là encore, ce qui est impliqué ici, c’est la perte de l’espace au cours de la conversation. Les deux participants de la conversation ont perdu toute notion de l’espace. Il n’y a que les mots, le mental, la verbalisation, le flot des pensées transformées en sons et ils en sont submergés. Cela a sa propre dynamique. C’est pratiquement une petite entité, un courant qui ne veut pas finir. Et il génère souvent des émotions dans le corps qui le renforcent l’amplifient. Le courant mental déclenche des émotions. Il le fait souvent, en particulier quand vous parlez de choses concernant les autres : ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont oublié de faire, ce qu’ils vous ont fait, ce qu’ils ont fait à d’autres, critiques, commérage, toutes sortes de choses émotionnelles.

 

L’ego intervient, parce que quand vous pouvez critiquer autrui, ce n’est rien de personnel. Cela appartient au courant mental. Quand vous critiquez autrui, l’ego se sent un peu plus fort. Vous avez un peu grandi, parce qu’en rabaissant autrui, dans le système illusoire de l’ego, vous avez un peu rehaussé votre propre image, parce que bien entendu, l’autre est inférieur. Toute critique d’autrui – « il est trop… Il n’est pas assez… » – tout ce qui anime cela, c’est le courant d’énergie. Ensuite, les émotions arrivent et en plus des pensées, la perte de l’espace.

 

Maintenant, pour que vous retrouviez l’espace, sans dire réactionnellement « je ne parle plus », . . . continuez de parler. Comment vous retrouvez l’espace ? D’abord, la première chose dont vous avez besoin, c’est vous rendre compte que vous avez perdu l’espace. Sans cela, je n’ai rien à vous dire, parce qu’il n’est rien que vous puissiez faire. Quand vous êtes à ce point emportés dans un flot de pensées que vous ne savez même pas que vous êtes emportés par un flot de pensées, il n’est rien que vous puissiez faire.

 

« Pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Vous êtes inconscients. Vous êtes le flot de pensées et en tant que flot de pensées, vous ne voulez pas qu’il finisse, parce que vous ne voulez pas votre propre fin. Chaque entité veut rester dans sa forme aussi longtemps que possible. Donc, quand vous êtes le flot de pensées, quand vous êtes ainsi identifiés à lui, il n’est rien que vous puissiez faire.

 

Or, tout devient possible avec la moindre conscience que vous avez perdu l’espace – « oh, il n’y a pas d’espace » – et cela se produira très probablement, plus la conscience émerge en vous, tandis que vous serez complètement immergé dans une conversation prenante. En pleine effervescence, vous vous rendez compte subitement de ce qui se passe. À cet instant, vous avez le choix, mais quel est votre choix ? Votre choix est d’amener de la présence, de l’espace dans le flot des pensées. Mais comment faites-vous ça ?

 

En tout premier lieu… Parce qu’évidemment, cela vous vient, non pas seulement de l’intérieur, de votre propre mental, mais cela vous vient également de l’autre personne . . . Or, la conscience est là : « OK, la présence, qu’est-ce que je fais ? » parce qu’après vous être rendu compte que vous aviez perdu l’espace, si vous ne faites rien, cela ne prendra que trois secondes avant de le perdre à nouveau. Il vous faut donc utiliser ces deux ou trois secondes où vous vous rendez compte de la perte de l’espace.

 

Vous allez donc faire quelque chose dans cet espace où vous avez la liberté d’agir. Donc, par choix conscient, vous retirez votre attention du penser, mais il vous faut alors l’ancrer autre part, autrement ça ne marchera pas. L’ancrer autre part, ce n’est pas dans le flot des pensées. Et vous choisissez, soit votre respiration, soit votre corps subtil, soit une perception sensorielle autour de vous dont vous devenez conscients. Mais en fait, en parlant à quelqu’un, il est probablement plus facile de choisir, soit votre respiration, soit votre corps subtil.

 

Donc, pendant que vous parlez ou en particulier quand vous ne parlez pas – mais même pendant que vous parlez – mettez votre attention sur le corps subtil. Vous pratiquez cela avant, quand les conditions sont plus favorables pour que vous puissiez le faire quand vous en avez besoin. Tournez-vous vers l’intérieur et sentez que votre champ d’énergie est vivant alors que vous êtes tranquillement assis. Et vous remarquez que vous ne pensez plus. Vous pouvez toujours écouter. La chose étonnante est que vous pouvez écouter quelqu’un sans penser, aisément, magnifiquement. Donc, vous écoutez, mais une partie de votre attention est réservée au champ d’énergie.

 

Vous avez donc retiré votre attention de vos pensées. Écouter ne requiert pas tant d’attention que ça ; il en faut juste assez pour comprendre ce qui est dit. Mais votre attention est en partie dirigée sur le champ d’énergie intérieur.

 

Vous pouvez le faire maintenant, alors que vous êtes assis là, tout en écoutant ces mots. Vous remarquerez qu’en étant assis là, vous pouvez être conscients de votre champ d’énergie intérieur à l’arrière-plan, pour ainsi dire, pour en sentir la vie partout dans le corps. Il y a peut-être des endroits que vous pouvez sentir plus fortement. Certaines personnes le sentiront davantage dans la poitrine ou dans les extrémités, mais si vous pouvez le sentir dans tout le corps, c’est magnifique, un ressenti global de vie à l’arrière-plan. Et c’est finalement sans forme. C’est déjà l’accès au sans-forme. Ce n’est plus le corps physique.

 

Ressentez cela pendant que vous êtes assis là et que vous écoutez. Ce faisant, vous sortez du flot des pensées. La qualité de l’interaction change alors immédiatement. Il se peut que l’autre personne ne remarque pas consciemment ce qui se passe et peut rester sur sa lancée pendant un moment. Cela ne veut pas dire non plus que vous ne pouvez plus répondre, mais la façon dont vous répondrez, la qualité de votre réponse changera également. Vous ne contribuez plus à la négativité qu’on retrouve toujours dans les conversations. Et une certaine quiétude imprégnera également les mots que vous prononcez, même de l’espace entre les mots. Là encore, c’est si subtil que l’autre personne ne le remarquera probablement pas de façon consciente.

 

Donc cramponnez-vous au corps subtil. Prenez-le comme ancrage. Vous devenez alors présents. Vous êtes présents. Et si vous le reperdez, l’autre personne disant quelque chose qui vous réactive, vous vous en rendez compte après un petit moment : « Oups ! » Et vous êtes revenus au corps subtil. C’est un ancrage puissant et tout change alors à partir de là. La pratique, la pratique, la pratique continuelle. Parce que, quand vous êtes en contact avec le corps subtil, c’est vraiment spacieux. C’est l’énergie. C’est le commencement du sans-forme. Je dis que c’est le mi-chemin entre la forme et le sans-forme. Le ki ou l’énergie vitale est le pont entre le sans-forme et le monde de la forme. Quand vous sentez le ki dans la vie intérieure, vous allez dans le sans-forme : « Ah ! » C’est déjà magnifique. Même à mi-chemin sur le pont, c’est magnifique.

 

Faites la même chose au téléphone, quand vous êtes au téléphone avec quelqu’un. Faites-le en écoutant. Au téléphone, puisque vous ne voyez pas l’autre personne, vous pouvez également utiliser les perceptions sensorielles comme ancrage. Les perceptions sensorielles, la conscience des perceptions sensorielles, la conscience aiguë des perceptions sensorielles est un ancrage puissant de la présence.

 

Donc, quand vous êtes au téléphone, ayez peut-être une fleur près de vous ou vous regardez le ciel par la fenêtre. Cela peut être n’importe quoi. Même un objet inanimé peut faire l’affaire. C’est plus facile si vous prenez quelque chose de naturel, mais vous pouvez prendre n’importe quoi d’autre, un beau verre… Quoi que ce soit, soyez-en pleinement conscients pendant que vous écoutez. Votre attention est ainsi retirée du penser. Vous pouvez voir la beauté du ciel pendant que vous écoutez votre ami, si c’est un ami. Si c’est quelqu’un qui vous accuse ou qui se plaint, c’est même encore plus important, évidemment. C’est un plus grand défi. Plus l’autre personne est inconsciente, c’est-à-dire plus elle est identifiée au courant mental, aux émotions et aux réactions, et plus le défi est grand.

 

J’ai remarqué que, quand je rencontre par hasard des gens complètement inconscients, déséquilibrés mentalement, totalement identifiés à leur mental, je ressens toujours un changement automatique de l’intensité de la présence dans tout le corps. Ce n’est pas l’effet d’une décision prise, cela se produit naturellement et souvent, à ce moment-là, la personne devient plus sensée. C’est ce qui se passe quand vous êtes intensément conscients.

 

J’ai vu des choses miraculeuses se produire chez des gens, en étant intensément présent. C’est vraiment quelque chose qui permet la guérison, une guérison profonde, pour vous-mêmes et pour tout ce qui vous entoure, tout ce qui entre dans ce champ. Et cela affecte probablement même d’autres que vous ne voyez pas. Être très intensément présent. Plus on est provoqué et plus on est présent. Il en va de même avec les situations, les circonstances. Certaines sont provocatrices, menaçantes. C’est le combustible dont nous avons parlé, le combustible de la conscience. Le défi, la provocation devient le combustible de la conscience. Plus grand est le défi et plus intense est la conscience. Il n’y a pas d’efforts en cela bien sûr, parce que la présence n’est pas un effort, mais c’est une énergie immense . . .

 

Donc, si vous partez d’ici et que soudainement – prenons un cas extrême – toute la ville se désagrège autour de vous, vous seriez . . . Et peut-être ne vous reste-t-il que quelques secondes avant que votre corps se désagrège également, mais . . . cela n’a plus d’importance

 

Une fois qu’un certain niveau de conscience est atteint, les défis intensifient la conscience. Tant que ce niveau de conscience n’est pas atteint, les défis affaiblissent votre conscience et vous ramènent dans les réactions inconscientes. Il y a donc un certain seuil. Quand une personne atteint ce seuil, tout défi qui se présente renforce simplement la conscience, l’intensifie, mais avant d’avoir atteint ce seuil, quand vous êtes provoqués par une situation ou par une personne, vous tombez dans une réaction inconsciente et vous perdez la présence.

 

Donc, le défi, toute circonstance problématique peut vous faire perdre la présence ou intensifier la présence. Et quand vous êtes là, sur le seuil, vous avez le choix. En plein défi, vous voyez : « Oups ! Est-ce que je vais chuter ou est-ce que je vais m’élever ? OK ! ». Ce sera beaucoup plus facile. Et la présence n’est pas juste quelque chose qui concerne ce qui se passe en vous. Elle affecte vraiment ce qui se passe aussi à l’extérieur.

 

Et par la non-réaction, ne voulant pas dire que vous ne posez pas tout acte nécessaire dans une circonstance problématique, mais par la non-réaction intérieure à la chose, en l’absence de cela, la situation change très rapidement, parce que la réaction contre amplifie, empire ce qui arrive dans votre vie. Et très souvent, la réaction est bien pire que l’événement. Je suis souvent étonné de voir combien les petites choses déclenchent chez les gens des réactions négatives énormes, vraiment de toutes petites choses, complètement insignifiantes. Et pourtant : . . . C’est complètement hors de proportion avec l’événement déclencheur.

 

Maintenant, les gens se méprennent parfois sur la non-réaction. Ils croient qu’elle revient à mettre une sorte de barrière et certains essaient même de l’envisager de cette façon, mais ce n’est pas ça. Ils se disent : « OK, je ne vais pas réagir à ce qui se passe avec cette personne ou à cette situation ». Je ne vais pas me laisser affecter. Rien ne peut me toucher ». Ce n’est pas ça le résoudre par la présence. Avec la présence, c’est davantage être transparent à la chose plutôt que d’essayer de la contrôler ou de la combattre.

Disons que quelque chose vient vers vous, métaphoriquement . . . Au lieu de faire . . . vous le laisser passer à travers vous ou vous vous mettez au moins doucement de côté. Quelqu’un vient . . . ou il traverse directement : « OK ! »Et ne pas alimenter la situation qui provient de facteurs inconscients, de l’inconscience. Ne pas l’alimenter par la réaction. Elle est puissante.

 

La plupart du karma, ce que nous appelons karma et qui est en réalité l’accumulation des réactions inconscientes, les schémas réactionnels, les schémas mentaux émotionnels… Les gens pensent que le karma est ce qui nous arrive, ce qui est vrai dans une certaine mesure, mais le karma, ce sont essentiellement les réactions à ce qui arrive. Votre réaction à ce qui arrive maintenant détermine ce qui arrive ensuite.

 

Souvent, des situations qui seraient relativement insignifiantes pour certaines personnes déclencheront chez d’autres une énorme réaction. Elles déclenchent leur karma. Ils sont donc malheureux dans certaines situations où d’autres personnes diront simplement : « Eh bien, laissons ça ! ». Les premiers sont extrêmement réactifs. Je peux le voir parfois quand des gens se mettent en colère contre moi. Habituellement, ça concerne quelque chose que je n’ai pas fait ou que j’ai oublié de faire : « Vous n’avez pas répondu à mes lettres. Je vous ai écrit trois fois et vous n’avez toujours pas répondu. Je me sens complètement déshonoré », que sais-je encore ! Toute une histoire : « Je me sens méprisé, pas respecté », une histoire qui culpabiliserait tout le monde.

 

Ils ne comprennent pas, d’abord que j’ai un retard de plusieurs milliers de lettres. Ils le prennent personnellement. C’est une chose naturelle. D’autres pourraient dire : « Je vous ai écrit, vous ne m’avez pas répondu et c’est OK. J’ai en fait trouvé ma propre réponse, merci infiniment ». Il ne se passe rien là et d’autres se sentiront complètement rabaissés dans leur sentiment de soi, parce que je n’ai pas répondu. Là encore, cet énorme… Je suis désolé si c’est vous. Donc, veuillez prendre ça comme réponse !

 

Juste après avoir écrit « Le pouvoir du moment présent », on m’a conseillé de l’envoyer à des gens célèbres pour qu’ils le lisent et en disent du bien. Je l’ai donc envoyé à Deepak Chopra, Marianne Williamson et un ou deux autres, et je n’ai rien reçu d’eux. Ce n’était pas un problème, je n’ai pas de karma dans ce sens. Je ne me suis pas senti rabaissé dans mon sentiment du soi, parce que Deepak Chopra ne m’avait pas répondu, mais je lui avais envoyé et je me suis effectivement demandé pourquoi il ne m’avait pas répondu.

 

Bien sûr, je sais maintenant pourquoi il n’a pas répondu : il reçoit des milliers et des milliers de choses comme ça. Tous les jours, il arrive des livres et des manuscrits : « Voudriez-vous bien écrire quelque chose sur mon livre ? ». Eh bien, il ne l’avait évidemment pas regardé. Beaucoup plus tard, quand ce n’était plus nécessaire, il l’a vu et écrivit quelque chose de gentil à son sujet.

 

Beaucoup plus tard, j’ai reçu une belle lettre de Marianne Williamson qui disait : « Je suis désolé, je ne suis pas parvenu à écrire. J’étais censée écrire une préface pour « Le pouvoir du moment présent », mais il se passait tellement de choses dans ma vie que je n’ai pas pu m’y mettre. Je suis désolé de ne pas vous en avoir informé ». Quand j’ai reçu cette belle lettre, j’avais complètement oublié que je l’avais sollicitée. C’étaient des années plus tard. Mais c’était charmant de la recevoir.

 

Donc, la réaction, prendre les choses personnellement et y réagir, trouver énormément de souffrance dans une circonstance banale qui est en elle-même insignifiante… La souffrance surgit de sa propre réaction à la situation et c’est le karma. Cela détermine la façon dont on perçoit le moment suivant et ainsi de suite. La libération de la réaction est la libération du karma. Et c’est la présence. Et c’est la disparition progressive du karma, de tous les vieux schémas dont on a hérité et que l’on porte en soi.

 

À chaque fois que vous avez un problème avec quelqu’un, quand vous accusez quelqu’un qui a fait ceci, oublié de faire cela, quand vous vous plaignez de quelqu’un, c’est toujours une forme d’ego et d’inconscience. C’est là où, je suppose, nous parlons de pardon. S’il reste quelqu’un dans votre vie envers qui vous conservez de la rancune ou du ressentiment, il vous faut regarder là. Cela fait partie de votre karma toujours à l’oeuvre et cela vous empêche le plein éveil. Toute rancune : cette personne a fait ça . . .

Rappelez-vous Marc Aurel : « Avec cette bouche et ces aisselles !… »

 



22/10/2015
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