Commérage conscient

« Sans trouver de moyens efficaces pour m’en sortir, je me vois me laisser embarquer dans des conversations faites de commérages ou de jugements. Je me vois être d’accord ou ne pas être d’accord en alimentant ainsi la négativité ».

 

C’est très commun. Quand le mental s’active, en particulier lors des conversations, des opinions sont exprimées, le mental égoïque a habituellement besoin de répondre de sorte à affirmer son existence ou à renforcer son sentiment de soi. En particulier avec des opinions, avant que vous vous en rendiez compte, il peut arriver très facilement qu’un flot mental ait pris le pouvoir. Il s’agit de savoir, en de telles circonstances s’il y a en vous suffisamment de présence pour être conscients des pensées qui passent, pendant une conversation. C’est le défi. Autrement, vous êtes perdu dans le flot des pensées et les schémas mentaux réactionnels.

 

Une bonne pratique consiste à être conscient de vous-même en train d’écouter lorsque quelqu’un dit quelque chose. Quand vous écoutez quelqu’un, soyez conscient de deux choses : l’autre personne peut être en train d’exprimer une opinion, de faire du commérage ou de critiquer quelqu’un d’autre, comme c’est souvent le cas. Quand vous écoutez, soyez conscient de deux choses plutôt que d’une seule. Vous en faites ainsi une pratique spirituelle. Soyez évidemment conscient de ce que vous écoutez, du contenu, et en même temps, soyez conscient de vous-même en tant que celui qui écoute, que la présence qui rend l’écoute possible, la présence en vous qui rend l’écoute possible.

 

Donc, quand vous êtes avec des gens, vous êtes là en tant que présence qui écoute. En plus d’être conscient de ce dont ils parlent, vous sentez là votre présence continue. Maintenant, si vous ne dites rien, la pratique sera plus facile, mais à un moment donné bien sûr, parce que c’est tout à fait normal, vous allez probablement vous mettre à parler aussi. La chose alors importante est de ne pas être dominé par votre flot de pensées. Il vous faut être particulièrement vigilant quand de la négativité fait surface, le commérage comme vous dites. Vous dites que vous vous voyez être d’accord ou ne pas être d’accord. Vous adoptez donc une position mentale.

Y a-t-il quelque chose entre les deux, qui n’est pas forcément être d’accord ni ne pas être d’accord ? Entre les deux positions, soit accepter simplement ce qu’ils disent, soit le renforcer avec votre propre opinion en étant ou non d’accord, y a-t-il un espace neutre d’où vous pouvez juste observer des positions mentales possible chez autrui et votre propre tendance à adopter une position mentale ? J’indique une bonne pratique que je crois avoir même recommandé quelque part dans un livre, quand tout le monde exprime ses opinions à propos de quoi que ce soit.

 

Prenons le cas où personne ne vous demande votre opinion et où elle ne changerait en rien la situation. On n’est pas en train d’essayer de décider d’une action, mais les gens expriment simplement leur opinion. Vous pouvez observer quasiment la compulsion à donner votre opinion, surtout quand il s’agit de politique ou d’autres sujets de prédilection où les gens s’empressent de dire ce qu’ils pensent. Vous pouvez éprouver la compulsion à dire quelque chose et comme pratique spirituelle, lâchez le besoin de mettre en avant votre opinion. Pour le dire autrement, demandez-vous ce qui se passe si vous n’exprimez pas votre opinion. Que ressentez-vous ? Cela ne fait évidemment aucune différence pour la situation, ni pour qui vous êtes.

 

Donc, s’abstenir d’exprimer inutilement son opinion est en soi une pratique spirituelle. Au début, quand vous cessez de participer au jeu, vous avez l’impression de perdre un peu de votre identité, mais en réalité, vous vous écartez de l’identité égoïque pour un espace plus profond de conscience. L’attrait du mental est très puissant quand vous parlez de diverses choses où d’autres se positionnent, identifiés à leurs positions. Soyez conscients, observez chez autrui la charge émotionnelle derrière les positions mentales. Percevez qu’il n’y a aucune conscience des positions mentales. Il n’y a qu’une complète identification au flot des pensées.

Donc, quand vous êtes avec les autres, soyez là également en tant qu’observateur et non pas seulement comme participant. Observez la force derrière les positions mentales. Et si vous voyez chez les autres la façon dont ils sont dominés par leurs opinions… Le Bouddha parle du fourré des opinions et la façon dont les gens s’y trouvent enchevêtrés. En fait, ce dont il parle, c’est l’identification aux pensées. Les pensées deviennent donc vous-même. Les gens sont donc piégés dans le fourré des opinions, comme le dit le Bouddha.

 

Un maître zen dont je ne me rappelle pas le nom recommandait comme pratique spirituelle, une pratique spirituelle très simple mais puissante, d’arrêter de chérir les opinions. Il disait en fait : « Ne cherchez pas la vérité, simplement cessez de chérir les opinions ». « Arrêtez de chérir les opinions » : vous n’avez pas besoin de rechercher la vérité, arrêtez simplement de chérir les opinions. Observez qu’il ne dit pas d’arrêter d’avoir des opinions, ce qui serait difficile. On ne peut pas d’un coup abandonner toutes ses opinions et ce n’est même pas nécessaire. Il dit : « Arrêtez de chérir les opinions ».

 

Chérir ses opinions veut dire en fait s’identifier à celles-ci, d’y mettre tout son sentiment de soi, de mettre ce sentiment de soi dans ses positions mentales. « Arrêtez de chérir les opinions », arrêtez de vous identifier aux positions mentales. Vous pouvez alors toujours avoir des opinions, mais elles ne vous ont pas. C’est une différence fondamentale. Pour la plupart des gens inconscients, autrement dit pour la plupart des gens, ils n’ont pas d’opinions. On peut dire que des opinions les ont. Il y a des forces énergétiques, des champs d’énergie mentaux qui prennent complètement possession de vous. Vous pensez alors avoir une opinion. Non, cette opinion vous a ; la position mentale vous a. C’est comme une présence parasite en vous.

 

C’est donc une pratique spirituelle magnifique : au lieu de rechercher la vérité, Dieu, la réalisation de soi ou l’illumination, arrêtez de vous identifier à vos positions mentales : « Arrêtez de chérir les opinions ». C’est une pratique spirituelle. Parfois, vous pouvez simplement lâcher prise, sentir que vous n’avez rien besoin d’exprimer et voyez comment vous vous sentez. Ce n’est pas nécéssaire. Il n’y a absolument aucune obligation. Voyez comment vous vous sentez si vous ne mettez pas en avant votre opinion, ne la faites pas partager. Permettez aux autres d’avoir leurs points de vue.

 

Quelle différence est-ce que cela fait, dans de nombreux cas, ce qu’est votre propre point de vue ? Qu’est-ce qui est ajouté à qui vous êtes si vous exprimez énergiquement votre point de vue ? Absolument rien ! En tout cas rien de réel, mais quelque chose d’irréel est effectivement ajouté et c’est le développement de l’égo. Ce que vous ajoutez donc, c’est une illusion, une identité illusoire qui est renforcée. C’est ce qui est ajouté quand vous vous identifiez à vos opinions, mais cela n’est rien de réel. En fait, il y a en vous quelque chose qui est obscurcit et qui est de loin plus réel que ce que pourrait être toute opinion.

 

Au début, vous pourriez avoir l’impression comme de disparaître en n’exprimant pas votre opinion, en n’affirmant pas votre existence, ce qui est une pulsion égoïque inconsciente : affirmer votre existence en criant vainement vos opinions. En devenant conscient de cette impulsion, vous pouvez vous dire : « OK, faisons une expérience et voyons ce qui se passe si je lâche prise, si je n’exprime pas mon opinion ».

 

Au début, vous serez peut-être déconcertés, vous sentirez diminués d’une certaine façon, un peu comme si vous commenciez à disparaître. En permettant à cela d’être, après un moment, vous verrez émerger un sentiment puissant de paix, parce que vous commencez à avoir accès à la dimension qui est au-delà de l’égo, de l’identité en tant que forme. Vous avez soudainement un sentiment vivant de paix en vous. Vous n’avez pas renforcé votre identité en tant que forme. D’une certaine façon, vous avez lâché en partie votre identité en tant que forme.

 

Vous faites cela, par exemple, ou bien en n’exprimant pas un point de vue, une position mentale – c’est juste l’une des nombreuses manières dont vous pouvez lâcher l’identité en tant que forme – ou bien, si vous avez à l’exprimer, en vous rendant compte que ce n’est rien de plus qu’une position mentale et vous dites : « Je pense que… C’est comme ça que je vois la chose ». Il n’y a pas d’identification impliquée. Là encore, vous n’avez pas renforcez votre identité en tant que forme. En réalité, vous avez un sentiment de paix et de puissance et quelque chose qui ne peut pas être affecté.

 

En revanche, si vous vous identifiez à la forme, vous êtes très vulnérables et c’est pourquoi il vous faut constamment défendre vos opinions. Quand vous n’êtes pas identifiés à la forme, vous n’êtes plus vulnérables. Vous êtes en fait petits, vous êtes petits quand vous êtes piégés dans vos opinions. Votre identité est petite. C’est de l’étroitesse, de la petitesse. « Un cours en miracles » utilise l’expression « ta petitesse ». Et vous devenez vastes en transcendant l’identification aux positions mentales, mais c’est une pratique qui doit être faite en situation.

 

Faites-le d’abord avec des situations faciles, des petites choses qui sont discutées et qui sont sans conséquence, soit en vous taisant, soit en vous exprimant en continuant de sentir la présence que vous êtes au-delà de votre verbalisation. Il y a là une présence. « Je pense … « quoi que ce soit : au sujet de la politique, des autres.

 

Comme vous le mentionnez, le commérage est très tentant, parce que lorsque vous faites du commérage, ce qui implique généralement raconter ce que quelqu’un a fait, généralement de façon critique, négative, catégorique, c’est très tentant, parce que quand vous pouvez critiquez, juger quiconque comme mauvais, inférieur, l’égo se sent un peu plus fort. C’est une illusion, mais c’est la façon dont l’égo fonctionne.

 

Si vous pouvez critiquer quelqu’un d’autre, à ce moment-là, aux yeux de l’égo, vous vous sentez supérieurs, parce que vous croyez tenir quelqu’un d’indigne ou qui n’est pas à la hauteur. C’est pourquoi l’égo aime critiquer, juger, etc. C’est un processus totalement inconscient et c’est une chose étonnante, parce que l’égo veut continuer de faire ça. Il se renforce lui-même de cette façon. Il se sent supérieur quand il peut critiquer, juger ou rejeter quelqu’un. Il n’est en rien supérieur, ce n’est qu’une illusion.

 

Et pour que vous ne participiez plus à ce jeu de l’égo, ce qui est requis, c’est juste cette présence consciente à l’arrière-plan de sorte que vous ne tombiez plus dans la réaction instantanée, n’y contribuiez plus. Donc, la pratique spirituelle, quand vous vous retrouvez dans une telle situation, soyez vigilants. Il y a toujours quelque chose de plus important dans toute situation quelle qu’elle soit et c’est votre état de conscience dans cette situation même.

Habituellement, les gens pensent que ce qui importe vraim

ent, c’est la situation : « On est en train de gérer ceci, cela. C’est une situation pratique dont il faut absolument qu’on se préoccupe ! » Cela peut aussi être une affaire totalement mentale, une discussion concernant d’autres personnes. « La seule chose qui importe, qui importe vraiment, c’est cette chose dont nous parlons, dont nous nous occupons ! » Or, ce n’est pas la chose la plus importante. Quoi que ce soit, les affaires, la vie privée, l’interaction entre deux personnes, les relations intimes, tout sujet d’une discussion, un problème qui doit être résolu… ce n’est jamais la chose la plus importante. La situation n’est pas la chose la plus importante, ce dont vous parlez n’est pas la chose la plus importante !

 

Vous oubliez le facteur le plus important : « Quel est en ce moment-ci mon état de conscience que j’amène dans la situation ? » Il est donc essentiel de percevoir votre état de conscience. Il y a soudainement un état de vigilance et vous observez alors la présence éventuelle d’un schéma réactionnel, de certaines émotions, les pensées qui se bousculent dans la tête et qui créent une certaine vibration ou fréquence déterminant votre état de conscience : de la négativité, de la peur, de la colère. La colère implique de la peur sous-jacente. Elle est cachée et se manifeste en tant que colère.

 

À tout moment, percevez votre état de conscience et percevez alors le fait que vous percevez, que vous êtes conscients. Il y a une vigilance qui survient tout à coup et cette vigilance est plus importante que tout ce qui se passe à l’extérieur, parce que c’est l’émergence de cette perception vigilante qui vous libère des façons conditionnées d’agir et de vous comporter. C’est la seule chose qui est nouvelle, que vous pouvez favoriser, qui est vraiment originale, qui n’a vraiment rien à voir avec le passé. Tout le reste est le passé en vous et le passé en autrui. Donc en toute circonstance, rien n’est plus important que votre état de conscience. Ce n’est pas la circonstance.

 

Donc, qu’est-ce qui importe réellement ici ? Voyez d’abord la chose principale. C’est votre état de conscience. Comment pouvez-vous y voir clair ? Vous voyez clair en étant conscients, vigilants. Si votre état de conscience est négatif, peur, colère, défensive, la compulsion à vous exprimer énergiquement contre une chose ou une autre . . . pouvez-vous percevoir que c’est dans l’instant votre état de conscience ? Pouvez-vous percevoir la force émotionnelle qui anime ce que vous dites . . . ou est-ce que vous l’incarnez totalement ? Dans la plupart des cas, les humains inconscients sont complètement leurs émotions.

 

Si vous pouvez percevoir qu’il y a cette colère, que vous êtes la peur à ce moment-là et qu’elle engendre certaines pensées, cela change les choses. Cela peut ne pas relâcher immédiatement la peur, la colère ou quoi que ce soit, la défensive, l’agressivité, ce que vous éprouvez. Cela peut ne pas relâcher ça immédiatement, mais cela amène dans la situation un facteur transcendant et c’est la chose essentielle. Quand émerge la vigilance, tout ce qui est requis alors, c’est savoir ce qu’est ce que vous éprouvez dans votre champ intérieur, dans votre champ mental émotionnel.

 

Les humains inconscients ne savent pas cela. Ils en sont seulement la proie, ils sont la chose. Les ressentis et les pensées deviennent eux, ils deviennent les ressentis et pensées. Ils sont dominés. Ils sont totalement incarnés en ces formes mentales émotionnelles. La différence peut sembler insignifiante, mais être conscient, percevoir, c’est pourtant le facteur le plus important, parce que vous ajoutez tout à coup à la situation un peu de conscience. Vous n’êtes plus totalement sous l’emprise de ces forces que vous observez en vous. Elles peuvent encore être là ! Avec la perception survient le choix, apparaît également l’intelligence véritable.

 

Vous pouvez désormais aborder la situation, non plus à travers la colère, la peur ou quoi que ce soit, mais avec la conscience. Pour le dire autrement, la conscience, la présence peut gérer la situation. Évidemment, en premier lieu, vous permettez à ce que vous ressentez d’être là. C’est là, la colère ou autre, et vous l’observez. Cela change tout. Telle est votre responsabilité principale, permettre à cette dimension de venir en ce monde à travers vous. Tout le reste est secondaire. Les circonstances vont et viennent. Le problème du jour est le lendemain remplacé par un autre. Tous les soi-disant problèmes finissent par se résoudre et sont remplacés par d’autres. C’est sans fin. C’est la façon dont fonctionne le monde de la forme. Des forces opposées sont en mouvement. Elles entretiennent toute la chose.

 

Être conscient, conscient ! La vie quotidienne doit être votre pratique spirituelle : vos interactions avec les gens. Rien n’est plus important que votre état de conscience et cela détermine aussi ce qui arrive ultérieurement. Cela détermine ce qui arrive dans ce qui est appelé « futur ». Votre état de conscience du moment présent détermine ce qui arrive dans ce supposé futur qui est le présent quand il arrive.

 

Si les forces sont trop envahissantes, sentez votre corps subtil quand vous êtes avec des gens qui expriment tous leurs opinions. Sentez le corps subtil à ce moment-là. Cela peut vous ancrer dans la conscience. Les cellules de votre corps peuvent vous aider à rester conscient. Elles participent au champ de la conscience. Elles en font partie. Déjà en cet instant même en écoutant ces paroles, pendant que je parle, pouvons-nous sentir tout notre être pénétré par ce champ de présence consciente ? Pouvez-vous le sentir ? La conscience n’est pas juste là. Elle est à travers tout le corps. Vous êtes un champ de présence consciente. Si vous pouvez le sentir quand vous êtes avec les gens, qui sont identifiés à leur mental, vous êtes alors là comme un espace de silence, de tranquillité. C’est une belle pratique.



19/12/2016
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